Nicolas Léonard, rédacteur en chef de Paperjam.lu
Quel a été votre premier contact avec le monde des médias et qu’est-ce qui vous a motivé à travailler dans ce domaine ?
Mon premier contact avec les médias a été indirect. Quand j’avais 7 ans je me suis lancé avec avidité dans la lecture des volumes de l’Encyclopédie « Tout l’Univers », un cadeau de mon grand-père. Parmi mes biographies préférées figurait celle de Thomas Edison. J’ai été fasciné par le fait que l’aventure de sa vie qui allait faire de lui un génie universel avait débuté en écrivant, imprimant et vendant son propre journal dans le train entre Detroit et Port Huron. Pour l’imiter, j’ai produit mon propre journal, recopié à la main en quelques exemplaires sur une feuille A4, avec des brèves sur la vie de mon quartier, vendu à la librairie située au bout de ma rue à Arlon. J’ai aussi commencé à lire toutes les publications qui tombaient sous ma main, du grand quotidien national Le Soir à la feuille paroissiale Le Carillon d’Arlon. Le journal télévisé quotidien, regardé religieusement, et les discussions en famille autour de l’actualité n’ont fait qu’attiser mon appétit pour l’info. Finalement, aussi loin que je m’en souvienne, je ne me voyais, enfant, que faire deux métiers : archéologue ou journaliste. J’ai étudié l’archéologie et je suis devenu journaliste, je suis donc extrêmement chanceux.
Mon autre chance est sans doute de vivre ma carrière professionnelle alors que les pratiques journalistiques et les modes de consommation de l’information sont en constante mutation. A mes débuts, au tournant des années 90 et 2000, la « presse » était exclusivement imprimée. Puis sont arrivés internet, les réseaux sociaux et le community management, les newsletters électroniques, la vidéo, les podcasts…
Les médias ont évolué, cherché un nouveau modèle économique, les métiers se sont spécialisés et il a donc fallu réinventer des pratiques. C’est un environnement dynamique et stimulant.
Cette dynamique sera une des clés des années à venir. Les médias du futur, que ce soit sur des supports électroniques ou imprimés, devront, en osant une comparaison avec le secteur automobile, concilier le confort et la sécurité d’une berline de marque allemande avec la nervosité et l’agilité d’un 4×4 japonais. Mais le carburant restera toujours le même et se constitue de trois ingrédients : de l’info, de l’info et de l’info. Une information originale, exclusive, décryptée, vérifiée, enrichie est et restera LA raison pour laquelle on prendra en main un magazine ou on consultera une édition on-line.
Comment voyez-vous l’évolution des médias / leur futur ?
Je suis opposé à toute vision pessimiste quant à l’avenir des médias. L’appétit d’information n’a sans doute jamais été aussi vif au sein du grand public et les moyens de la diffuser n’ont jamais été aussi importants. Charge à chaque média de se montrer à la hauteur des attentes. C’est un défi aussi terriblement vertigineux qu’excitant. Un de plus.
Roland arens, rédacteur en chef du Luxemburger Wort
Was war Ihr erster Kontakt mit der Medienwelt und was hat Sie motiviert, in diesem Bereich zu arbeiten?
Mäin éischte bewosste Kontakt mat Medien war als Kand de fixe Rendez-vous owes um 20 Auer mat der ARD-Tagesschau. Deen huet mäi Papp ëmmer gekuckt, do huet missen alles roueg sinn an der Stuff. Vun dohir hu Politik an Zäitgeschicht mech scho fréi intresséiert, den Ëmgank mat Sprooch natierlech och. Ech war faszinéiert, wéi gutt dem „Spiegel“ seng Geschichte geschriwwe waren, awer et huet mech och irritéiert, wéi eesäiteg kritesch, jo souguer polemesch se ganz dacks ware mat allem, wat net hirer politescher Linn entsprach huet. Am Lycée hat ech d’Chance, datt mäi Reliounsproff op 2e d’Initiativ geholl huet, fir eis verschidde Beruffer virzestellen. Ech hu gefrot, ob hie kee Journalist géif kennen an den Zoufall wollt, datt hien Noper war vum deemolege Chefredakter vum Télécran. Ech krut e klengen Test-Artikel ze schreiwen a sinn esou als Stagiaire bei den Télécran komm an dono bei d’Wort.
Fir mech war ëmmer kloer, datt ech do als Journalist wollt schaffen a schreiwen.
Wie sehen Sie die Entwicklung der Medien / ihre Zukunft?
D’Mediewelt ass an enger Transformatiounsphase, déi virun 20 Joer ugefaangen huet mat den éischten Online-Noriichteportalen. Dat betrëfft virun allem déi traditionell Medien wéi Zeitung, Telé a Radio. Geschäftsmodeller, déi Jorzéngte laang fonctionnéiert hunn, mussen duerch neier ersat ginn, fir de Journalismus ze finanzéieren. Fundamental ass, datt de Lieser am Internet-Zäitalter de Choix an d’Kontroll doriwwer huet, wat hien zu wéi engem Moment wëll liesen, kucken oder lauschteren.
Hien ass net méi u fest Zäiten oder Produkter gebonnen.
Den Zougank zu Informatiounen ass haut esou einfach wéi ni, mee dat eleng schaaft nach kee Wëssen a keng Erkenntnis. Dofir brauch et professionell Recherche, Selektioun a Kontextualiséierung, also Journalismus a Journalisten.
Wat sech awer an de leschte Joren ëmmer méi kloer weist, ass, datt de Wäert vum Journalismus riskéiert bradéiert ze ginn. Fir ëmmer méi Leit sinn d‘Sozial Medien eng wichteg, wann net déi primär Informatiounsquell.
Dacks stinn hei journalistesch Informatiounen um selwechte Niveau wéi ongepréift Texter a Biller oder souguer Propaganda a bewosst gestreete Falschmeldungen. Dat beschiedegt d’Credibilitéit vun den traditionelle Medien, déi professionell Methoden hunn an un hir Deontologie gebonne sinn.Dës Entwécklung ass op Dauer geféierlech fir de Fonctionnement vun eiser oppener, demokratescher Gesellschaft. Sozial Netzwierker mussen dofir vill méi an d’Responsabilitéit geholl ginn.
Déi professionell Medien hunn eng Chance, hir Plaz am digitalen Ecosystem ze fannen, och hei zu Lëtzebuerg.
Dofir musse si léieren, d’Méiglechkeete vun den digitale Medien ze notzen, besser op d’Attente vun hiren neien Utilisateure reagéieren an trotzdem hire journalisteschen Usproch bäibehalen.
Dhiraj Sabharwal, rédacteur en chef du Tageblatt
Quel a été votre premier contact avec le monde des médias et qu’est-ce qui vous a motivé à travailler dans ce domaine ?
Pour moi le journalisme est depuis mon adolescence plus qu’un métier, c’est une vocation, c’est être au service du public. Le Lycée de Garçons Esch m’avait permis de choisir l’option radio: nous étions amenés à préparer des émissions radio que nous faisions en direct. L’animation de tables rondes politiques me tenait particulièrement à cœur car la matière première sur laquelle travaillent les journalistes, c’est l’actualité vivante. Un cours universitaire, même complété par des exercices pratiques, demeure fatalement en marge de cette réalité professionnelle. A l’étudiant en journalisme ou en sciences des médias et de la communication, le meilleur des professeurs ne saurait ni donner le sens de la qualité journalistique ou de la responsabilité déontologique du journaliste, qui ne s’acquièrent que lorsqu’on écrit vraiment pour des lecteurs. Ce professeur ne saurait ni apporter la réaction, parfois rude mais toujours instructive et stimulante, de ces lecteurs exigeants. Le stagiaire d’un journal comme le Tageblatt, en revanche, se trouve placé dans les meilleures conditions pour prendre conscience de ces réalités complexes. Ces conditions si particulières dans lesquelles les journalistes accomplissent leur travail ne peuvent être reconstituées en laboratoire académique – malgré les efforts de la recherche en journalisme et l’introduction de méthodes innovantes comme par exemple le «Total Quality Management».
Voilà pourquoi, j’avais heureusement compris au début de mes études qu’il fallait aussi mettre un pied dans la sphère du journalisme professionnel – par le biais de stages. J’ai effectué mon premier stage au Tageblatt en 2007 et j’y suis devenu rédacteur en chef en 2017.
Comment voyez-vous l’évolution des médias / leur futur ?
L’évolution des technologies, en particulier d’Internet, exerce une pression nouvelle susceptible de mettre en difficulté les standards de qualité du journalisme. Cette nouvelle technologie présente deux faces, le meilleur comme le pire. Voici quelques exemples: le journalisme en ligne est libre, mais peut aussi favoriser la diffusion de Fake News.
Le journalisme en ligne est unifiant et démocratique mais la culture de la gratuité menace la qualité de l’information. Il favorise la mondialisation, mais en même temps aussi la penseé uniformisée («Social Media Bubbles »). À partir des approches démocratiques, des stratégies économiques et des théories scientifiques de la qualité et de la déontologie on parvient à un consensus pour considérer que le journalisme dans les pays occidentaux à économie de marché, comme le Luxembourg ou la Suisse, doit reposer sur plusieurs objectifs majeurs et intemporels : la recherche de la vérité, le pluralisme, la distinction entre l’information (par ex. les nouvelles) et les commentaires, l’utilisation critique des sources (vérification, transparence, secret rédactionnel etc.), suivre les exigences de l’intérêt public (hélas, quelle discussion interminable), rester ouvert à l’actualité et aux réalités des autres, ne pas user de méthodes déloyales, respecter la vie privée et la dignité humaine
– et rester critique et indépendant dans une entreprise riche en traditions comme le Tageblatt. La recherche empirique prouve l’existence de ces critères intemporels et suggère que la démarche doit toujours être la même pour le journalisme d’information c’est-à-dire professionnelle,
quel que soit le média pour lequel on travaille.
Claude Karger, rédacteur en chef du Lëtzebuerger Journal
Quel a été votre premier contact avec le monde des médias et qu’est-ce qui vous a motivé à travailler dans ce domaine ?
Je ne sais pas si on peut qualifier cela comme « premier contact avec le monde des médias », mais c’est ma participation à un journal scolaire au lycée qui m’a fait prendre goût non seulement à la rédaction et à la publication de textes, mais aussi au travail en équipe pour rassembler des informations de tous genres et les conjuguer en de multiples formats afin de proposer aux lecteurs un produit d’information intéressant et attractif. Cette expérience et le fait que je sois quelqu’un de curieux qui aime connaître le dessous des cartes du monde qui nous entoure et qui adore jouer avec les langues, m’ont amené à chercher des stages auprès de différents médias luxembourgeois comme le « Tageblatt » ou encore la « Revue » et le
« Lëtzebuerger Land » déjà pendant mes études que j’ai poursuivies d’abord dans les sciences humaines – l’histoire en particulier – avant de me tourner résolument vers des études en journalisme. Des stages ont toujours ponctué mes études ainsi que des projets en « freelance » lors desquels je n’ai pas seulement mieux appris les ficelles du métier, mais aussi pu constituer un vaste réseau de contacts en France et au Luxembourg. Disposer d’un tel réseau, qu’il faut étendre et soigner sans cesse, est et restera le pilier de la profession journalistique.
Comment voyez-vous l’évolution des médias / leur futur ?
C’est un domaine en évolution permanente. J’ai terminé mes études en 1996, alors qu’Internet venait à peine de débarquer dans les domiciles en Europe. Mais ce fabuleux nouveau canal de communication, en conjugaison avec l’évolution technologique des appareils, a révolutionné le monde des médias et je dirais même notre vie quotidienne en quelques décennies à peine. Aujourd’hui, les habitudes de consommation des médias se tournent de plus en plus vers le digital alors que le nombre d’abonnements pour des produits de presse classique fond. En même temps, les annonceurs abandonnent de plus en plus les canaux classiques pour se positionner dans le monde numérique.
Il faut que les médias se positionnent face à ces tendances de fond tout en embrassant toutes les possibilités
qu’offre le digital pour mettre en avant leurs contenus journalistiques. Nous verrons ainsi émerger dans
les années à venir un nombre de nouveaux modèles et formats innovants. Tous se trouvent en concurrence
avec une avalanche d’informations de toute nature qui circulent sur le Web et retiennent l’attention des utilisateurs. Le challenge est de gagner leur attention et de les fidéliser.
Et cela ne peut passer à mon avis que par une offre de contenus journalistiques de très haute qualité.